L'INCINERATION, UN CONCEPT DEPASSE?

Banc Public n° 54 , Novembre 1996 , Catherine VAN NYPELSEER



Les habitants de Ciney se sont mobilisés contre la construction d’un incinérateur de déchets ménagers dans leur commune et semblent actuellement avoir gagné la partie. Dans le Brabant flamand, après avoir dû renoncer par trois fois (dans trois communes différentes) à la construction d’un incinérateur de déchets ménagers, le projet d'un incinérateur à Drogenbos, à la périphérie bruxelloise, est à son tour menacé (il a été reporté suite à l'opposition des habitants).

L’incinérateur de la région bruxelloise

La région de Bruxelle-capitale projette d’installer un dispositif de lavage de fumées à son incinérateur de Neder-over-Hembeek, qui pollue abominablement (dioxines, métaux lourds, poussières...) l’agglomération la plus peuplée du pays depuis 1985. Petit problème toutefois: le dispositif est si onéreux, 1 milliard 200 millions1, plus 350 millions par an de frais d’exploitation, que, d’une part, l’usine devra être semi-privatisée (les pouvoirs publics, qui en sont propriétaires, en conserveraient -provisoirement?- la majorité avec 60 % des parts) et, d’autre part,l’incinérateur devra chercher de nouveaux “clients” dans d’autres régions, en particulier dans le Brabant flamand.
L’idée d’installer cet outil paraît politiquement correcte à première vue: les habitants de la région bruxelloise reçoivent du ministre Gosuin “leur” dispositif de lavages de fumées, dont l’absence était dénoncée depuis des années par Greenpeace et le parti Ecolo notamment, car il génère une pollution extrêmement préoccupante; en prime, ce FDF réussit à empêcher que “les Flamands” ne viennent polluer les bruxellois via le projet de Drogenbos, à la frontière de leur région (mais il oublie de rappeler que ce projet était déjà fortement remis en question suite aux réactions des habitants de cette commune).
Lorsqu’on examine le problème plus attentivement, l'idée devient moins séduisante:
- selon un expert, il n’est pas sûr que l’on parvienne à un niveau satisfaisant de réduction de la pollution par l’adjonction de ce dispositif vu la vétusté des fours (l’incinérateur a été mis en service en 1985). Aucune garantie convaincante n’a été donnée aux riverains, qui se sont prononcés contre le projet lors de l’élaboration du rapport d’incidences. Quand à l’étude d’incidences, plus complète mais facultative, le Ministre Gosuin a décidé de ne pas l’ordonner sous prétexte qu’elle retarderait encore le projet.
- la privatisation entraînera évidemment une volonté de rentabilisation qui augmentera évidemment les quantités de déchets traités (et donc la pollution), et décourager les politiques de collectes sélectives et de recyclage qui visent à réduire la quantité de déchets.
La personne qui suit le dossier de l’incinération chez Greenpeace Belgique, Martin Baisieux, a pris position contre le projet lorsque nous l’avons contacté. Il estime qu’il faut plutôt miser sur la prévention des déchets par l’éducation de la population, ce dont l’expérience de Dilbeek prouve la faisabilité (voir article en page 2), ainsi que sur de nouvelles technologies d’incinération couplées à des technologies permettant la sélection des déchets restants.

Une fausse bonne idée

L’incinération est une technique dépassée dont l’utilisation va décliner. Elle ne résoud pas réellement les problèmes que posent les déchets, mais les déplace:
- elle crée de nouvelles matières hautement toxiques (dioxines, furanes) qui sont dispersées dans l’atmosphère (ce qui n’est pas le cas de nos “braves” déchets ménagers). Leurs effets cancérigènes ont été découverts lors de la catastrophe de Seveso), mais depuis on sait aussi qu’elles ont aussi, entre autres, des effets allergènes, une influence sur le développement des nourrissons (taille, aptitudes cognitives), et qu’elles diminuent la fertilité humaine.
- elle pulvérise dans l’atmosphère des poussières contenant notamment des métaux lourds.
- elle ne fait pas du tout disparaître les déchets: les machefers, les cendres solides qui sont le résidu de la combustion, représentent 30% du poids initial de déchets ménagers3! Actuellement ils vont en décharge ou sont “valorisés” dans la construction de routes. Ils contiennent évidemment des polluants dont un traitement sérieux diminuerait certainement l’attrait financier de l’incinération, selon le même type de raisonnement qui est maintenant devenu classique en ce qui concerne l’énergie nucléaire grâce à l’action des militants écologistes. Il semble d’ailleurs que les groupes industriels qui “poussent” la technologie de l’incinération soient ceux qui étaient actifs jusqu’à présent dans le domaine nucléaire. Par exemple, la société Watco, qui gère par contrat l’incinérateur de Bruxelles est une filliale de Tractebel via Fabricom.


Une nouvelle idée: la prévention

L’incinération est une méthode de traitement des déchets, comme le recyclage. Les mouvements écologistes ont toujours prôné la limitation de la quantité de déchets par la prévention, c’est-à-dire éviter de produire les déchets, par exemple en prohibant les emballages inutiles, plutôt que de devoir chercher à se débarasser de quantités sans-cesse croissantes.
Ce concept paraît appelé à un nouvel avenir, suite à une expérience de prévention pilote dont le succès a dépassé les prévisions les plus optimistes, qui a eu lieu à Dilbeek, commune flamande de la périphérie bruxelloise. Cette expérience nous a paru tellement intéressante que nous lui avons consacré un article distinct.


Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

En août dernier, la commission scientifique chargée par les autorités néerlandaises de donner des avis sur les normes acceptables des produits toxiques a conclu à la nécessité d’abaisser la norme de tolérance des dioxines d’un facteur 10 par rapport aux normes de l’OMS qui étaient acceptées auparavant par la communauté scientifique internationale (soit 1 picogramme/kilo au lieu de 10), à la suite de la parution de nouvelles données expérimentales2.

(1) L’incinérateur lui-même avait coûté 2,6 milliards en 1984
(2) Rapport intitulé “Dioxinen - polygechloreerde dibenzo-p-dioxinene, dibenzofuranen en dioxine-achtige polychloorbifenylen”, Gezondheidsraad: Commissie Risico-evaluatie van stoffen/dioxinen, Nr 1996/10, 6 août 1996
(3) Source: “Greenpeace magazine”, hiver 1995

 
     

     
 
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