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Femmes au Maghreb

Banc Public n° 178 , Mars 2009 , Catherine VAN NYPELSEER



Le livre consacré à l’image de la femme au Maghreb est un ouvrage collectif où chacun des quatre auteurs publie une étude consacrée à un aspect particulier de cette problématique. Celle-ci évolue de façon distincte selon les pays, en fonction d’une situation politique très différente.

 


Femmes et médias au Maroc

Pour Zakya Daoud, une « guerre de civilisation » se déroule au Maroc, entre deux projets de société dans lesquels la situation de la femme est «le centre et le symbole». Cette guerre est parfois ouverte mais le plus souvent larvée, à l’image de la rue marocaine où les jeans et les ventres nus croisent les foulards ou les tailleurs à longue jupe accompagnés ou non d’un hijab.

Au Maroc, les femmes ont «envahi les médias», aussi bien en arabe qu’en français, car le clivage entre les deux modèles de civilisation ne correspond pas à la barrière de la langue. Au départ peu nombreuses et cantonnées dans les rubriques culture et société, elles ont progressivement investi tous les domaines y compris la politique et l’économie, et occupent à présent des postes importants comme celui de directrice de l’information d’une chaîne de télévision, ou créent de nouveaux magazines comme le gratuit Plurielles, qui tire à 140.000 exemplaires.
Dans les sujets traités, les femmes sont surreprésentées, la presse en français notamment multipliant les portraits et interviews de «femmes remarquables», jusqu’à donner l’impression que le Maroc serait un pays de femmes : femmes politiques, cinéastes, peintres, écrivains…

Au plan politique, dans le nouveau gouvernement de 2007, sept femmes ont obtenu des postes de ministres et secrétai­res d’Etat avec des responsabilités importantes : santé, culture, énergie, enseignement, affaires sociales. Cette féminisation a été voulue par le Palais en  réponse à l’arrivée sur la scène internatio­nale de femmes chefs de gouvernement ou ministres des affaires étrangères de grands pays, pour donner une image de modernité.

En politique intérieure, par contre, les femmes sont peu nombreuses à être élues lors des élections communales ou législati­ves ; si un quota parlementaire de trente députées – soit 10% des sièges - n’avait pas été imposé lors des législatives de 2002 sur une liste nationale conçue dans ce but, elles n’auraient sans doute pas dépassé le maximum historique de quatre députées.

Femmes algériennes et presse écrite

La contribution de Ghania Mouffok met en évidence un phénomène interpelant : dans la presse écrite algérienne, les représenta­tions de femmes sont sans visage. Les visages sont floutés, les femmes tournent le dos à l’objectif, ou bien elles se cachent le visage dans les mains, alors que les articles qui leur sont consacrés consistent souvent en une dénonciation de la violence faite à des femmes.
Les professionnels de la presse justifient ces artifices par la nécessité de protéger les femmes et leur droit à l’image. Pour Ghania Mouffok, il s’agit plutôt d’une volonté inconsciente de cacher ses femmes qui ont souffert de la violence fait à leur corps et à leur dignité. Pour elle, «ces photos floutées renforcent les préjugés que la presse prête à la société qui considérerait ces femmes comme ‘coupables’ d’apporter la ‘honte’ sur leur famille, leur ville, leur quartier» (p. 88).

Un autre chapitre intéressant de son analyse est consacré à l’attitude paradoxale des autorités en ce qui concerne la violence que certaines femmes subissent dans leurs foyers : l’accent est mis sur la nécessité de ce que les femmes qui en sont victimes dénoncent les agressions subies, comme s’il suffisait qu’elles parlent pour que justice leur soit rendue, sans se poser la
question de leur situation par rapport à la législation, qui rend très difficile d’obtenir devant les tribunaux le divorce suite à des violences conjugales, ou légitime le fait pour une femme violée d’épouser son abuseur.

Les femmes diplômées

Au départ d’une société dans laquelle les femmes passaient la majeure partie de leur temps dans la sphère privée, les politiques éducatives élaborées après les indépendances offrent aux filles la possibilité d’être scolarisées. Les femmes sont par contre peu nombreuses à pouvoir suivre des études supérieures, dans la mesure où celles-ci impliquent le plus souvent de s’expatrier. Lorsque celles-ci sont possibles sur place, ce sont le plus souvent les filles issues de la bourgeoisie qui en bénéficient. La situation se modifie dans les années 1980 suite à « un triple mouvement d’arabisation, de massification et de généralisation des études secondaires et supérieures » (p. 104).

Si les femmes du Maghreb savent s’impo­ser et faire prévaloir leur compétence lorsqu’elles sont en situation de pouvoir, leur ascension se heurte à deux limites : d’une part, le fameux «plafond de verre» particulièrement prégnant en Méditerranée, qui bloque leur ascension vers les postes les plus élevés comme celui de Premier ministre ou de chef d’une grande entreprise, d’autre part leur exclusion des activités hors travail, dont on connaît l’importance dans les carrières.

L’auteur de cet article, Pierre Vermeren, insiste en conclusion sur le rôle révolutionnaire des médias occidentaux et leur «exhibition» aussi soudaine que massive d’images de femmes, de leur corps, de leurs plaisirs, dans un monde jusque là «marqué par le voilement et l’enfermement multiséculaire des femmes» (p. 120).

 

Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

L’IMAGE DE LA FEMME AU MAGHREB

 

Editions Actes Sud/MMSH/[barzakh]
Novembre 2008 -121p -20,78 euros

 
     

     
   
   


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