MOBBYING A L'ONEM

Banc Public n° 85 , Décembre 1999 , ANONYME



Qui dira le malaise? Qui dira la souffrance? Qui dira la démotivation et l'écoeurement? Qui dira tout haut ce que beaucoup pensent tout bas?
Toujours à la pointe du progrès, l'ONEM n'a pas hésité, sous la pulsion dictatoriale de son «Top», à recourir au «Mobbing». C'est fou ce que l'on apprécie le franglais à l'ONEM.

Mobbing ou harcèlement moral sur le plan professionnel, telle est bien la méthode utilisée de plus en plus souvent à l'ONEM pour se débarrasser d'une personne, en la détruisant professionnellement, moralement et, bien souvent, physiquement, car les répercussions de ce vécu sur le plan de la santé sont indéniables! Tous les psychologues le savent.
Pour faire de la place, à l'aube de l'autonomie de gestion, pour d'autres plus dociles (contractuels) ou pour les favoris du moment (dont un très ambitieux "prince héritier" socialiste) en se débarrassant de ceux, de celles, qui gênent, parce qu'ils sont là où ils sont, parce qu'ils en savent trop, parce que...
1e étape:
La décision «débarrassez-moi de...»
De qui veut-on se débarrasser? Qui est susceptible d'être désigné comme cible? En fait n'importe qui, peu importent le statut, le niveau et le grade, ouvriers, ingénieurs, employés, cadres... Tous sont susceptibles de vivre cette expérience traumatisante.
La question à poser est plutôt «Pourquoi?» Qui gêne? Qui en sait trop? Qui a trop d'expérience? Qui constitue la mémoire de l'Office? Qui a des principes? Qui est moins malléable? moins servile? Qui est différent? moins "image de marque"? Qui ose dire ou montrer qu'il n'est pas d'accord? Qui, qui...? Les motifs pour se débarrasser d'une personne sont nombreux et divers mais ils aboutissent tous à une même décision: «débarrassez-moi de».
Qui prend la décision? Le "Top" et, de plus en plus, d'autres responsables hiérarchiques, mais en se prévalant d'agir au nom du Top.Une fois la décision prise (très rapide à l'ONEM), on colle l'étiquette "personne à abattre, cible". Il parait qu'il existe même des listes de cas, non écrites, bien sûr. A l'ONEM, on privilégie l'information orale. Un certain nombre de personnes sont mises en confidence. Elles se chargeront de faire circuler et amplifier le message.
Il peut s'écouler un temps relativement long entre la décision, le démarrage proprement dit et la réalisation de l'objectif. Le plan de carrière de ceux que l'on veut promouvoir permet parfois d'attendre un certain temps avant d'entamer l'action de nettoyage!
2e étape: L'isolement
Isoler la cible, faire en sorte qu'elle se retrouve seule, voilà une démarche fort importante. Utiliser les collègues contre la personne ciblée. Susciter des confidences, des critiques négatives à l'encontre de la cible : «vous voyez bien!...». Et si certains ne veulent pas comprendre, la direction générale ne rechigne pas à les intimider en leur reprochant de rester en contact avec une personne ciblée: «Monsieur, Madame, vous étiez avec Untel!? Attention, il faut choisir votre camp! Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous! On ne joue pas à ce jeu, ici! (sic)».
Cette attitude parait tellement normale à la direction qu'il lui est arrivé, comble de l'humour (noir!) de reprocher à une personne ciblée d'avoir des contacts avec une autre cible!
Et, à la limite, si le message revient à la cible, il ne fera qu'amplifier son malaise. Quand on croit qu'on a tous les droits!
3e étape: L'attaque et la culpabilisation
Très aisée à appliquer. Cette partie de la procédure est pratiquement infaillible, elle vise à déstabiliser la personne et à la culpabiliser. Ainsi sera-t-elle amenée à accepter plus facilement le sort qui lui est réservé.
Quoi que fasse la personne, ce n'est pas bon. «Vous avez fait noir, court, petit...?!, mais,
c'était blanc, long, grand... que vous auriez dû faire». «Vous avez fait blanc, long, grand,... mais vous auriez dû faire noir, court, petit...!»
Difficile de trouver la parade quand il n'y a plus de dialogue et que la fin justifie les moyens utilisés. C'est sans doute ce qui explique l'importance croissante de la rumeur à l'ONEM. Car à l'ONEM, les rumeurs suffisent pour déplacer un agent. «On n'a rien pu prouver mais il y a des rumeurs, alors il vaut mieux que vous changiez de service!».
Ils sont déjà nombreux ceux qui ont entendu ce verdict d'exclusion. Or, les rumeurs, cela n'a pas de source bien déterminée, n'est-ce pas? Elles peuvent venir de n'importe où, les rumeurs et même être créées de toutes pièces!
Car il s'agit aussi de susciter un doute dans l'environnement de la cible: si la direction agit ainsi, c'est que quelque chose ne va pas.
Et pourtant, c'est bien certain, à l'ONEM, il y a de la fumée sans feu.
La récente mésaventure de l'évaluation des agents de rang 13 et chefs de service participe à cette étrange saga du mobbing.
Après leur avoir fait suivre une formation spécifique dont le message était on ne peut plus clair: pas de bouleversements importants, une bonne partie d'entre eux se sont fait saquer: évaluation "juste assez bon" ou "insuffisant".
De cette manière, on leur manifestait toute espérer une dernière promotion.
Comme toutes les autres victimes du mobbing, ils se sont trouvés dévalorisés à leurs propres yeux et à ceux des autres: leurs collègues, les membres de leur personnel (dont la plupart ont une évaluation "très bon"!), leur famille... Gravement traumatisés, certains ne songent plus qu'à quitter l'Office.
C'est sans doute ce que l'on voulait. Si l'on ajoute que certains approchaient doucement l'âge de la retraite et auraient pu espérer d'autres remerciements pour ces années de travail consacrées à l'Office, on ne peut s'empêcher de ressentir comme très cruelle l'opération menée par le Top. Et pourtant, qui mieux que l'Office national de l'Emploi, peut comprendre la valeur du travail dans une vie humaine!
Ce simulacre d'évaluation a été ressenti comme une dégradation morale (1).
Mais l'ONEM a été plus loin en dégradant effectivement un agent, sans raison, si ce n'est rendre une place vacante, sur la base d'éléments flous, incontrôlables ou créés. En chambre de recours, l'agent n'a pas obtenu justice. Mais on connait le manque de liberté des représentants de l'administration (2). Si l'on ajoute que, sur le banc syndical, certains auraient dû être récusés car ayant trop d'intérêt à la cause, on comprend mieux ce qui s'est passé.
4e étape: le déplacement
Paralysées par ce qui leur arrive (en état de choc) et qu'elles ne comprennent pas, les victimes sont amenées à accepter leur changement de service comme une solution honorable, voire à rechercher une autre porte de sortie. Et on ajoute à leur intention: «Surtout, surtout n'en parlez pas! Sinon nous pourrions prendre d'autres mesures...»
Les déplacements sont généralement très rapides, parfois spectaculaires, pratiquement manu militari, ... sans doute pour laisser supposer que l'on prend une mesure de sauvegarde d'urgence. Si les cibles sont contractuelles, leurs chances de survie à l'ONEM sont beaucoup plus minces.
Vilain jeu, vraiment!
Parmi le personnel, certains participent aux actions, espérant peut-être en recueillir quelques fruits. Mais beaucoup sont choqués de ce qui se passe et de ce que vivent leurs collègues. Ils savent aussi que la même chose peut leur arriver. Un climat d'écoeurement et de démotivation s'installe. Tout est tellement différent de ce qu'on lit dans les prospectus et affiches sur la "Mission".
L'ONEM se targue de préoccupations sociales mais malmène son personnel!
Résister, mais comment?
Que faire, comment réagir? C'est peut-être difficile à croire, mais le sentiment qui prévaut parmi l'ensemble du personnel (pas uniquement les "victimes") est la crainte, celle des représailles («On n'est pas suicidaire!») et celle des décisions impulsives qui vous font passer dans le rang des cibles. Et la crainte entraine l'inertie.
Certaines victimes, pourtant, tentent de défendre, seules, l'honneur ou la dignité qu'on leur a enlevés: en apportant des arguments, des témoignages, ou en introduisant un recours. Mais, peine perdue, aucune chance ne leur est laissée et la direction persiste dans sa décision.
Le cas de cette jeune ingénieur industriel, agent statutaire francophone, qui tente désespérément depuis son entrée en service de résister à l'acharnement de ses supérieurs hiérarchiques visant à l'éjecter de l'ONEM est particulièrement dramatique. Après avoir obtenu gain de cause au Conseil d'Etat, elle est prise actuellement dans le piège d'une évaluation insuffisante. De procédure en procédure, elle se bat pour résister, courageusement, mais jusqu'à quand?
Le taux de rotation des ingénieurs au sein de l'ONEM est d'ailleurs particulièrement préoccupant et devrait inciter à se poser certaines questions quant au fonctionnement de la direction concernée plutôt qu'à incriminer des personnes qui ne veulent que faire leur travail correctement.
Le syndicat? Bien sûr, les syndicats se rendent compte de ce qui se passe et défendent leurs affiliés dans la mesure de leurs moyens. Mais à l'intérieur de l'organisme, ce sont des agents comme les autres, trop vulnérables. Adroitement, ils sont mêlés à la gestion quand cela convient. Et puis, surtout, ils doivent aussi «soutenir» les bénéficiaires du système de mobbing!
Les conséquences
Quelles sont les conséquences de ce jeu pervers, sadique? Car vraiment, comment ne pas penser que certains éprouvent du plaisir à ce jeu de massacre, peut-être pour voir jusqu'où va la résistance humaine? Car si c'est la destruction professionnelle d'une personne que l'on vise, c'est bien l'ensemble de la personne qui est atteinte.
Les répercussions sont importantes, car la victime d'une telle action subit un choc psychologique important qui déborde de la vie professionnelle et ne peut manquer de se répercuter sur sa vie familiale et sur son état de santé: mal-être, agressivité... malaises et maladies, états dépressifs ou suicidaires... Quant à ceux qui «survivent» à l'ONEM, humiliés, blessés dans leur dignité, sinon cassés, démotivés, ils gardent au coeur beaucoup d'amertume et... un besoin irrépressible de justice.
Mais pour l'employeur, il y a aussi une perte encore plus grande, inestimable, quoiqu'en pensent certains, car un bagage considérable de connaissances, d'expériences et de savoir-faire (de know-how, pour les franglophiles) se trouve détruit d'un seul coup par le déplacement ou le départ des victimes. Est-ce un des buts fixés? Sans doute et on comprend mieux alors la contractualisation croissante de directions comme celle du Personnel (pardon, on dit "Human Resources Management and Development") et de "Travaux et Matériel" (pas encore traduit). Ces jeunes contractuels (dont certains sont entrés par "relations") savent-ils le prix qui a été payé par d'autres et sur lequel repose leur entrée en service? Comme les statutaires qu'ils remplacent, ils devront apprendre leur métier, mais auront-ils la même protection lorsque le vent tournera pour eux?
Que faire?
Il faut que cesse le jeu de massacre.
Madame, Monsieur, agents de l'ONEM, si vous avez été, si vous êtes victime de harcèlement moral, sachez que vous n'êtes pas seul(e). A l'ONEM, c'est même de plus en plus répandu. En aucun cas, ne marchez dans le jeu de la culpabilisation. Et rappelez-vous que le harcèlement professionnel avilit surtout ceux qui le pratiquent. Si vous êtes témoin d'un tel acte, ne restez pas indifférent.
Dans les deux cas n'hésitez pas à témoigner. Le GERFA est là pour vous écouter et vous assister. L'anonymat vous est garanti.
La dignité de la personne au travail doit être restaurée et respectée. Les agents de l'office sont des êtres humains et non des machines. Chacun d'eux apporte sa pierre à l'édifice. L'ONEM, ce n'est pas une seule tête.


ANONYME

     
 

Biblio, sources...

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1) A la date de rédaction de cet article, il semble que la chambre de recours appelée à examiner les recours introduits n'ait toujours pas été constituée.

(2) En mars 1996, la direction de l'Office a adressé une sévère mise en garde à ses représentants dans la chambre de recours.

 
     

     
 
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