Islamophobie

Banc Public n° 218 , avril 2013 , Kerim Maamer



Le dernier rapport de la « Fédération européenne des Organisations antiracistes » (ENAR) a observé que le racisme prenait les traits d’une discrimination religieuse à l’encontre des musulmans et que la Belgique serait concernée ! … Ce résultat a l’avantage de nous éclairer, même s’il ne nous enchante pas.

 

 

Depuis un certain temps, le mot islamophobie figure dans le vocabulaire courant, exprimant une crainte religieuse qui prend l’allure d’une phobie ou d’une peur… alimentant la haine ! La Belgique a ses particularités, flagrantes ou originales, dont les exotismes pourraient être vus sous un angle négatif et exploités par des politiciens en conflit (Reynders-Moureaux) - comme ils pourraient être vus de manière positive et porteurs d’une diversité bruxelloise. Ces polémiques éclaboussent la société civile, aux dépens  des intérêts de la maîtrise des espaces publics. Cependant, elles relèvent d’un malaise et révèlent du racisme ambiant.

 

Racisme religieux

 

Le racisme prend les formes d’une anti-religion où la discrimination se mêle à des croyances de l’intime.  Pourtant, les religions ne se disent jamais racistes malgré le communautarisme et la prétention de vérité. Elles véhiculent des valeurs universelles, au sein d’une diversité de pratiques et de nationalités. Elles portent un système de pensée qui répond à des inquiétudes de sociétés, que l’on peut apprécier, sans être obligé de  comprendre, qui peuvent séduire ou heurter.

A décharge de l’enquête, le sentiment antireligieux n’est pas nouveau. Il est même très sévère dans une société déchristianisée. En  Belgique, un fort engagement politique s’est consacré  à la lutte contre le pouvoir  théocratique. La démocratie belge est fondée sur le « consensualisme ».  Il est admis que les valeurs religieuses ont inspiré certaines de nos lois civiles, l’organisation de nos congés dans le calendrier, l’aspiration des individus pour la piété. Cependant, nos habitants n’accepteraient aucun projet religieux dans l’ambition politique du pays. Il y a une nette hostilité à l’encontre de quelconque pouvoir d’autorité qui se réclamerait du christianisme, de Dieu ou de la Bible.

 

L’Islam n’a pas cet héritage historique de persécuteur. Il est la religion d’une catégorie d’immigrés,  venus au cours de ces 50 dernières années, de pays arabes, africains, asiatiques ou européens, qui voient dans l’Islam une voie de paix, où la foi religieuse est forte et dont la force civile devra nécessairement s’intégrer dans la nation belge.

 

Représentativité de l’Islam

 

Une autre réaction à l’enquête serait de retourner l’argumentation sur la visibilité ou l’expression de la religion. Si la communauté musulmane est  critiquée, c’est qu’elle prête son flanc à la critique. Lorsqu’au nom de l’idéologie, la religion impose ses pratiques dans l’espace public, elle prend le risque de l’opposition. Certes, la religion musulmane porte des objectifs sincères, de bonté, de discrétion, de modestie, qui lui ont permis de conquérir le c½ur des hommes dans des cultures très diverses. Toutefois, si elle est portée par une minorité agissante, dans un enjeu de conquête ou de stratégie,  qu’elle s’affiche de conduite quotidienne… elle risque de sanctionner les porteurs d’idéologie, si ce n’est l’idéologie elle-même. La réflexion serait  donc à considérer par  ceux qui représentent ou ceux qui s’expriment au nom de la religion. Or, nous nous trouvons là face à un nouvel écueil posé par la philosophie religieuse de l’Islam, qui n’a ni représentation du culte, ni hiérarchie.

 

 

 

L’Islam n’a pas de représentant, ni même le prophète Mahomet. Il est la religion de l’homme et de sa croyance, de la foi individuelle pour le bien et de préceptes qui vont l’aider à parvenir à l’état de « sala’m », d’islam ou  de paix.

 

Tous les Etats, y compris la Belgique, ont essayé de promouvoir une représentation officielle du culte musulman, pour avoir un interlocuteur, un défendeur, une autorité. Comment représenter  une communauté aussi diversifiée, organiser un pouvoir d’autorité et d’influence pour un Islam de Belgique ? Les perceptions ne sauraient être les mêmes à tous les pays où vivent des musulmans. La tâche est délicate, d’autant qu’elle est concurrencée par les prédicateurs de chaines satellitaires et de communicateurs internet qui font commerce de gloire religieuse. Les inadaptations risqueraient de produire des heurts, et des rejets de violences comme en Inde ou au Nigéria.

 

Les vérités de l’intime ne sont pas objet de débat public. Le principe de la laïcité garantit la neutralité vis-à-vis des cultes et les libertés de croyance. Ainsi, les échanges se sont déplacés sur les réseaux sociaux, de manière quasi-anonyme, pour la promotion du discours religieux ou d’une virulence d’opposition.

 

Nous avons donc à faire à des convictions, de type religieux, non soumises au débat et à la contradiction,  d’une idéologie sans représentation, qui clame sa contribution et s’illustre de manière médiatique, provoquant un rapport d’amour/haine.

 

Visibilité gênante

 

Ce n’est pas la croyance religieuse qui gêne, mais la visibilité sectaire. Le port du voile exprime une visibilité religieuse. Des femmes de plus en plus nombreuses portent le voile. Le phénomène a débuté avec la révolution iranienne de 1978. Il s’est propagé à l’ensemble des pays musulmans et même dans les pays sans tradition islamique. Dans nos pays, il se justifie de la liberté d’expression pour s’identifier de religion dans l’espace public! Un subtil détournement du principe de laïcité, qui, indubitablement, risque de se retourner contre la communauté elle-même. Les « porteuses de voile » confondent l’image conséquente d’appartenance religieuse,  avec la pudeur souhaitée par la religion. La tradition musulmane vise la dissimulation sensuelle des cheveux …  Or, les gouts sensuels et esthétiques varient selon les époques et les populations. On peut donc admettre que les expressions de la pudeur évoluent avec les populations et leur temps. Le voile est encore largement porté dans les campagnes, surtout dans un intérêt de propreté. Il est aussi  signe d’aristocratie pour voiler  les épouses du prophète. C’est donc sous l’angle de la causalité que pourraient être débattues les prétendues vérités coraniques.

 

Le port du voile est une vieille tradition sémitique. Il trouve racine dans les anciens Livres saints de la Thora et la Bible. Les interdictions y sont nettement plus fermes qu’en Islam. Pourtant, l’objet n’est pas aussi rigoureux chez les israélites et les chrétiens.  On pourrait même se persuader que le Coran apporta une émancipation aux femmes vis-à-vis des anciens Livres, puisqu’il s’adresse aux « croyants » et aux « croyantes ». La tradition musulmane rapporte que les femmes de Médine étaient dénudées. Le prophète le remarqua et on lui fit dire « fais à Médine comme les gens de Médine, et fais à la Mecque comme les gens de la Mecque ». Les citations de bon sens sont donc universelles. Il convient d’observer que la tolérance fut une force de l’Islam, pour respecter les m½urs et usages des pays conquis, et permettre au message de Mahomet de s’étendre rapidement à une grande partie du globe. Cette tolérance ne devrait pas nier son intérêt.

 

Certains analystes considèrent le voile comme un porte-drapeau, celui d’un refuge en soi, réagissant à des situations d’injustices en Palestine, dans le monde musulman, en Belgique. C’est  un faux drapeau. Il s’identifie à la vérité religieuse… d’une catégorie de la population contre les autres ! Il s’oppose à la discrétion, à la modestie et à la force d’intégration imposée. Ainsi, le contexte et les propos sur le voile sont à clarifier par des autorités compétentes, aptes à mesurer avec les conséquences et contradictions actuelles.

 

Ce n’est pas la religion qui gêne, mais la visibilité sectaire. La réaction serait autant désagréable de voir se mêler à la vie active, des hommes portant la « kippa » sur la tête, ou des moines boudhistes portant leur toge, ou quelconque signe quotidien d’appartenance à une idéologie. La question n’est pas seulement religieuse. Il  y’a quelques années, nos gens étaient dérangés par les accoutrements de « punks » ou de « hippies », qu’on préjugeait facilement de violence ou de saleté. Faut-il critiquer le  « préjugeur » ou le « préjugé » ? Nous serions encore gênés de voir dans nos rues, nombre de s½urs ou de militaires dont les accoutrements sont réservés aux églises et aux casernes. Qu’un militaire, une nonne ou un touriste soit perdu dans un espace public ne dérange pas, sauf si sa présence quotidienne ne nous faisait craindre la violence, la propagande ou la déculturation.

 

Dans un prochain article, nous évoquerons  quelques  éléments de connaissance historique et géographique de l’Islam, pour  comprendre ce mélange de traditions monothéistes et bouddhistes, et apporter une compréhension (non didactique) et aider à prévenir les excès.


Kerim Maamer

     
 

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