Le Roman des Plantes

Banc Public n° 275 , Mars 2019 , Catherine VAN NYPELSEER



Le livre de vulgarisation scientifique de Didier Van Cauwelaert "Les Émotions cachées des plantes" séduit par sa magnifique photographie de couverture, véritable œuvre d'art qui montre une plante grimpante enlaçant le doux visage d'une statue de pierre. Le titre de l'ouvrage fait sans doute référence au bestseller mondial du forestier allemand Peter Wohlleben que nous vous présentions en janvier 2018, "La Vie secrète des arbres".

 

 

Disons tout de suite que ce livre-ci est certainement plus polémique, car on y trouve un mélange de découvertes scientifiques et d'extrapolations ou d'intuitions personnelles plutôt osées, notamment en ce qui concerne l'hypothèse d'une transmission de pensée plantes-humains via des rêves prémonitoires...

 

La démarche du romancier-essayiste français est plus proche de la science-fiction que l'honnête ouvrage du forestier allemand qui ne diffusait que des faits prouvés par des publications scientifiques ou résultant de ses propres observations patientes, fruit d'une vie passée dans "sa" forêt du massif de l'Eifel.

Il semble que le romancier français ait voulu susciter une vision des plantes animées de sensations, de raisonnements, mais également d'une faculté de communication avec les êtres humains; l'idée serait de forcer le trait pour nous inciter à abandonner une vision des plantes perçues comme des objets, et mettre l'accent sur leur caractère vivant, mais en ajoutant à l'éclairage apporté par le forestier une dimension de communication entre les plantes et les humains. Comme si les humains dans leur égocentrisme ne pouvaient valoriser que des êtres qui s'intéressent à eux ?

 

Ci-dessous, nous vous relatons une série de faits troublants présentés dans cet ouvrage, en attirant néanmoins l'attention sur le fait qu'ils n'ont pas reçu la confirmation scientifique requise et pourraient donc s'expliquer autrement que par les mécanismes avancés. En effet, la mention de facultés erronément attribuées aux plantes risque de provoquer le rejet de toutes les découvertes scientifiques patiemment vérifiées qui établissent le caractère vivant, communiquant, raisonnant du monde végétal.

 

Détecteur de mensonges

 

Dans cette affaire, tout commence par un ingénieur américain, Cleve Backster, chargé de la mise au point de détecteurs de mensonges dans un laboratoire de la CIA en 1966, qui, s'ennuyant vraisemblablement au boulot, eut l'idée saugrenue de brancher les électrodes de son appareil sur une plante verte qu'il venait d'arroser. Ce fut le point de départ de découvertes extraordinaires, qui aboutirent à la publication d'un article dans la prestigieuse revue scientifique américaine "Science" le 8 août 1975.

 

En effet, Backster nota avec stupéfaction que la plante réagissait à son projet – sans commencement d'exécution - de lui brûler une feuille, par ce qui aurait été catalogué chez un suspect humain comme un pic "d'excitation spectaculaire" (p. 73). Il prend alors une allumette, puis change d'avis et la range; à ce moment-là, l'excitation retombe.

 

Autre fait particulièrement troublant, démontré à l'aide d'un protocole scientifique rigoureux: une fois qu'un lien affectif est établi entre un humain et une plante, un électroencéphalographe connecté à ses feuilles réagit au fait que l'humain se trouvant en promenade à l'extérieur prenne la décision, déclenchée aléatoirement par un minuteur, de retourner près de la plante.

 

Pourquoi ces découvertes, si elles sont exactes, ne sont-elles pas plus connues ? Parce que l'une des caractéristiques des résultats d'expérience pour pouvoir être qualifiés de scientifiques est qu'ils doivent être reproductibles, ce qui n'était le cas de ceux de Backster qu'une fois sur trois, ce qui les invalide gravement.

Le témoignage de l'hortensia (p 14)

 

Un cas pratique similaire aux découvertes de Backster, dans le domaine où il travaillait originellement, a été signalé par Jean-Marie Pelt : aux Etats-Unis, dans l'Etat du Wisconsin, se déroulait un procès pour homicide, qui avait eu lieu dans une serre, sans témoin.

 

Comme des hortensias avaient été abîmés par la bagarre, un expert suggéra de leur présenter différents suspects en mesurant leurs réactions avec un oscillographe. Lorsque ces plantes réagirent à la présence d'une personne particulière, celle-ci avoua immédiatement le meurtre...

 

L'agriculteur mexicain

 

Un paysan mexicain illettré, José Carmen Garcia Martinez, fait l'objet d'un chapitre entier du livre, intitulé "Les plantes sont-elles sensibles à la flatterie ? ".

Ou plutôt c'est sa capacité à obtenir des rendements extraordinaires des plantes qu'il cultive, avec une technique peu conventionnelle, "en se contentant de couvrir ses plantes de compliments et de petits mots tendres" (p. 61) :

"Choux de cinquante kilos, pieds de maïs dépassant les cinq mètres de hauteur, feuilles de blette longues d'un mètre cinquante, plus de cent tonnes d'oignons par hectare contre seize tonnes habituellement, huit courges par pied au lieu de deux en moyenne…".

 

Opposé à cent cinquante ingénieurs de l'administration agricole à Mexico, il les a battus à plate couture lors d'un concours en réussissant à produire "cent dix tonnes de choux à l'hectare, contre moins de six pour ses concurrents".

Comme " rien dans les analyses du sol, particulièrement aride, n'est en mesure d'expliquer une telle croissance, un tel rendement ", les autorités mexicaines "ont envoyé José cultiver aux quatre coins du pays d'autres terres différentes avec sa méthode immuable : dialogue empreint d'humilité attentive, images mentales à vertus grossissantes, témoignages de respect, pensées d'amour et de reconnaissance. Partout, il obtenait les mêmes succès" (p. 62).

 

Pour Didier Van Cauwelaert, "qu'en conclure, sinon que toutes ces plantes (…) se "donnaient à fond" comme pour lui faire plaisir, comme pour mériter ses encouragements ? Se comportant bien plus comme un entraîneur que comme un exploitant agricole, il semble obtenir de ses équipes végétales le meilleur d'elles-mêmes en stimulant leurs capacités potentielles" (p. 63).

 

Le rêve du noyer

 

Il s'agit en fait d'un cauchemar : en pleine nuit le romancier se réveille angoissé par l'image d'une fenêtre de sa chambre dans sa résidence de province, par laquelle le soleil pénètre à flots. Or, cette fenêtre ne laisse habituellement passer qu'une branche d'un noyer centenaire, qu'on repousse le soir pour la fermer, car on n'a jamais voulu le tailler. Ce noyer pénétrant dans la pièce où il écrit a une présence forte pour le romancier.

 

Dans son cauchemar, dont il prend note dans son agenda, non seulement l'arbre est absent, mais un bruit régulier non identifiable emplit la pièce.

Il n'a l'occasion de se rendre sur place que plusieurs mois plus tard et découvre alors que l'arbre, qui se trouvait dans le jardin des voisins, a été abattu pour faire place à une piscine dont la pompe fait exactement le curieux bruit qu'il avait entendu en rêve… De plus, les voisins se souviennent du jour exact où l'arbre a été coupé, qui se trouve être le lendemain du jour où l'auteur a fait son cauchemar.

 

Didier Van Cauwelaert s'interroge, et pense à un message télépathique que son ami sylvestre lui aurait fait parvenir pour l'avertir de sa mort imminente (p. 83).

 

On peut proposer une autre explication, plus psychanalytique, à ce cauchemar : le romancier, en tant que voisin, aurait été informé du projet d'abattage de l'arbre pour construire une piscine, mais aurait refoulé cette information désagréable, c'est-à-dire qu'il ne l'aurait pas oubliée, mais rangée dans une zone mémorielle inaccessible à sa conscience. Le cauchemar serait alors une manifestation inconsciente de retour du refoulé…

 

Conclusion

 

Si la démarche de "vulgarisation scientifique" de Didier Van Cauwelaert pêche par manque d'expérimentation documentée, la plume de qualité du romancier suscite intérêt et réflexion.

 

En témoigne l'impression de mon compagnon au sujet d'une plante d'appartement de style papyrus arborescent que j'avais trouvée jadis dans une petite poubelle murale d'un couloir de la faculté de droit à l'ULB. Elle a depuis prospéré grâce à ses bons soins jusqu'à une chute due au déséquilibre causé par sa quête de lumière et a dû être déplacée.

 

Depuis, elle lui semblait dépérir, d'autant peut-être qu'il m'avait menacée devant elle de la liquider la prochaine fois que je m'absenterais… Depuis une franche discussion, il semble qu'elle ait récupéré son énergie vitale, puisqu'elle fabrique de nouvelles feuilles. A moins que le printemps précoce de février n'y soit pour quelque chose ?

 

 

 

Le Roman des Plantes

 

Le livre de vulgarisation scientifique de Didier Van Cauwelaert "Les Émotions cachées des plantes" séduit par sa magnifique photographie de couverture, véritable œuvre d'art qui montre une plante grimpante enlaçant le doux visage d'une statue de pierre.

 

Le titre de l'ouvrage fait sans doute référence au bestseller mondial du forestier allemand Peter Wohlleben que nous vous présentions en janvier 2018, "La Vie secrète des arbres".

 

Disons tout de suite que ce livre-ci est certainement plus polémique, car on y trouve un mélange de découvertes scientifiques et d'extrapolations ou d'intuitions personnelles plutôt osées, notamment en ce qui concerne l'hypothèse d'une transmission de pensée plantes-humains via des rêves prémonitoires...

 

La démarche du romancier-essayiste français est plus proche de la science-fiction que l'honnête ouvrage du forestier allemand qui ne diffusait que des faits prouvés par des publications scientifiques ou résultant de ses propres observations patientes, fruit d'une vie passée dans "sa" forêt du massif de l'Eifel.

Il semble que le romancier français ait voulu susciter une vision des plantes animées de sensations, de raisonnements, mais également d'une faculté de communication avec les êtres humains; l'idée serait de forcer le trait pour nous inciter à abandonner une vision des plantes perçues comme des objets, et mettre l'accent sur leur caractère vivant, mais en ajoutant à l'éclairage apporté par le forestier une dimension de communication entre les plantes et les humains. Comme si les humains dans leur égocentrisme ne pouvaient valoriser que des êtres qui s'intéressent à eux ?

 

Ci-dessous, nous vous relatons une série de faits troublants présentés dans cet ouvrage, en attirant néanmoins l'attention sur le fait qu'ils n'ont pas reçu la confirmation scientifique requise et pourraient donc s'expliquer autrement que par les mécanismes avancés. En effet, la mention de facultés erronément attribuées aux plantes risque de provoquer le rejet de toutes les découvertes scientifiques patiemment vérifiées qui établissent le caractère vivant, communiquant, raisonnant du monde végétal.

 

Détecteur de mensonges

 

Dans cette affaire, tout commence par un ingénieur américain, Cleve Backster, chargé de la mise au point de détecteurs de mensonges dans un laboratoire de la CIA en 1966, qui, s'ennuyant vraisemblablement au boulot, eut l'idée saugrenue de brancher les électrodes de son appareil sur une plante verte qu'il venait d'arroser. Ce fut le point de départ de découvertes extraordinaires, qui aboutirent à la publication d'un article dans la prestigieuse revue scientifique américaine "Science" le 8 août 1975.

 

En effet, Backster nota avec stupéfaction que la plante réagissait à son projet – sans commencement d'exécution - de lui brûler une feuille, par ce qui aurait été catalogué chez un suspect humain comme un pic "d'excitation spectaculaire" (p. 73). Il prend alors une allumette, puis change d'avis et la range; à ce moment-là, l'excitation retombe.

 

Autre fait particulièrement troublant, démontré à l'aide d'un protocole scientifique rigoureux: une fois qu'un lien affectif est établi entre un humain et une plante, un électroencéphalographe connecté à ses feuilles réagit au fait que l'humain se trouvant en promenade à l'extérieur prenne la décision, déclenchée aléatoirement par un minuteur, de retourner près de la plante.

 

Pourquoi ces découvertes, si elles sont exactes, ne sont-elles pas plus connues ? Parce que l'une des caractéristiques des résultats d'expérience pour pouvoir être qualifiés de scientifiques est qu'ils doivent être reproductibles, ce qui n'était le cas de ceux de Backster qu'une fois sur trois, ce qui les invalide gravement.


Catherine VAN NYPELSEER

     
 

Biblio, sources...

LES ÉMOTIONS CACHÉES DES PLANTES

Didier Van Cauwelaert

Editeur Plon

Novembre 2018

193 pages – 19,40 €

 
     

     
 
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