Les contradictions de la mondialisation: et si Marx avait Raison (2)

Banc Public n° 172 , Septembre 2008 , Kerim Maamer



Rarement un savant n’aura suscité autant d’admiration que de polémique, d’adhésion ou d’opposition que Karl MARX. Ses idées ont nourri les intellectuels ; enthousiasmé les révolutionnaires ; animé les changements politiques ; inspiré des mouvements sociaux ; impliqué les législations sociales de tous les pays. Elles ont constitué les fondements d’Etat de grands pays comme la Chine ou la Russie. Dans le même temps, les idéologies marxistes ont irrité tant de gouvernants, suscité les dénonciations, mobilisé les soldats, conduit à des répressions. Les oppositions furent au c½ur de graves conflits et d’une très grave confrontation entre les deux blocs de l’Est et de l’Ouest de la planète.

Dans une première partie, l’auteur a évoqué les contrastes d’une vie paisible de cet intellectuel, qui rejette les explications de l’esprit, en faveur d’une démarche scientifique pour donner une base scientifique à l’organisation sociale et au mouvement politique.

Dans cette seconde partie, nous développerons les concepts marxistes, que nous confronterons à la mondialisation qui se déroule sous nos yeux.

La religion

Marx rejette l’idée de religion qui constitue un «opium du peuple». Elle est un idéalisme de l’esprit projeté en un Dieu, utilisé par les hommes comme moyen de légitimer le pouvoir d’une classe dominante. Il rejette cette implication idéaliste qui n’est qu’une vue de «l’esprit» et privilégie le caractère primordial de la «nature». Les choses s’expliquent «dialectiquement» et non pas «métaphysiquement».

Le matérialisme

Karl Marx a souhaité élaborer les faits qui détermineraient les bases d’une théorie de l’organisation sociale et de l’évolution de la société. Il affirme la faveur d’une dialectique matérialiste, dont la logique fait dépendre l’organisation d’une société de ses conditions économiques de production, avec ses modes de vies, ses valeurs humaines, ses rapports sociaux, son ordre politique.

Il estime que les transformations de la production économique peuvent être observées de manière rigoureusement scientifique et guider vers les bouleversements nécessaires. C’est le «matérialisme historique» qui permettrait d’étudier les conditions de transformation sociale et d’appeler à la nécessité de leurs modifications. Il voudrait décrire le système, en définir les résultats qui donneraient une base scientifique au mouvement politique qui mènerait au «communisme» ou à l’égalité des hommes qui est selon lui une aspiration légitime, un destin nécessaire pour l’humanité. Nous parviendrions à établir cette société avec l’appui scientifique d’une étude de l’histoire et de l’économie politique.

L’exploitation est consécutive à la relation économique. Dans le système économique de son époque, les capitalistes disposent de moyens de production et les prolétaires mettent à disposition leur force de travail pour satisfaire leurs besoins vitaux. Les uns spéculent sur le salaire des ouvriers pour maximiser leurs profits. Les autres ont des salaires de «prolétaires»,  comprimés aux besoins de subsistance minimum La plus value réalisée n’est pas partagée équitablement. Une classe minoritaire s’enrichit tandis qu’une classe majoritaire est maintenue dans la précarité.

Aliénation

Il introduit le concept clef d’aliénation économique et de système aliénant auquel n’échappe ni le prolétaire, ni le capitaliste. «Prolétaires» et «capitalistes» sont aliénés par un système aliénant. L’un est poussé par l’obligation de donner sa force de travail, pour un salaire de prolétaire. L’autre est poussé par l’obligation de vendre son produit qui est essentielle pour maintenir son activité. L’ouvrier dépossédé du produit de son travail ne contrôle pas le processus de production, aux dépens de son épanouissement. Le capitaliste tient un rôle de rationalisation et de distribution. Il perd son contact avec le travail de production et est dominé par la vente du produit. L’un et l’autre sont aliénés et dominés, par le travail et par la vente du produit. L’aliénation économique est source d’aliénations sociale, politique, religieuse et philosophique.

L’enrichissement provenant de spéculation ne saurait maintenir sa croissance. Tandis que le défaut de performance sanctionnerait immédiatement le système économique et, en premier lieu, le prolétariat. La concentration du capital est conséquente avec la logique d’évolution du système capitaliste, conduisant à une diminution des capitalistes et à une paupérisation généralisée, en commençant pas les salariés.

La lutte des classes

Cette conception de la production contient des contradictions intenables. Les classes capitalistes et prolétaires sont antagonistes alors que le système de production devrait être uni et harmonieux. Pour Marx «le capitalisme conduit à la mort».

Une minorité «minorisante» ne saurait dominer une majorité «majorisante». Le système est donc sordide. Marx appelle les salariés à prendre conscience de leur état de classe opprimée et de leur intérêt à lutter contre ce système. Il préconise à la classe prolétarienne d’utiliser sa domination de classe pour détruire le mode de production bourgeois, en y substituant l’appropriation collective des moyens de production. Il imagine que l’appropriation collective des moyens de production détruira l’aliénation économique, laquelle, à son tour mettra fin aux autres aliénations, qui feront disparaître les classes sociales.

Infrastructure superstructure

Marx a combattu les systèmes de son époque par la recherche pratique d’une unité entre la «pensée critique» et «l’action». Il est persuadé que les intérêts d’une société peuvent être portés par la science critique. Il considère que l’Etat n’est pas neutre mais une façade de l’absolutisme et un instrument de la bourgeoisie dominante. Il entend qu’une dictature du prolétariat aboutirait au dépérissement de l’Etat, du droit et qui mettrait fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, pour constituer le communisme, en tant qu’association de personnes libres «où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous».

Philosophie d’Etat

La pensée de Marx est d’un grand intérêt car elle porte une philosophie de l’Etat, de son idéologie et du devenir d’une communauté. Mais cette pensée ne se défait pas non plus de l’idéalisme et de l’héritage religieux que Marx contestait. Il établit le «communisme» en tant qu’aspiration légitime de société égalitaire et de destin nécessaire

pour l’humanité. Ainsi, il reproduit l’idéalisme d’un paradis qui ne serait pas «céleste» mais «terrestre», auquel nous aboutirions non pas par utopie, mais par méthodologie scientifique.

Ce questionnement est d’une intéressante actualité. Les difficultés et les échecs constatés dans les pays à idéologie communiste ont mené à une désillusion des hommes sur leurs aptitudes à construire un «paradis terrestre». Les nostalgiques d’un «paradis perdu» ne perdent pas espoir de le retrouver «au de-là des Cieux». Le retour en force du spirituel et des revendications d’un pouvoir religieux réconfortent probablement ce psychisme humain dans son espoir de «paradis céleste». Ce thème demeure cohérent avec les réflexions de Karl Marx que «la religion est le soupir de la créature opprimée, le sentiment d’un monde sans c½ur, l’âme d’une société sans âme. Elle est l’opium du peuple». L’échec de ces idéologies amène certains joyeux communistes à compléter leur boutade religieuse en déclarant «avoir revu Karl Marx ressuscit… il demandait  pardon» !









Kerim Maamer



Rarement un savant n’aura suscité autant d’admiration que de polémique, d’adhésion ou d’opposition que Karl MARX. Ses idées ont nourri les intellectuels ; enthousiasmé les révolutionnaires ; animé les changements politiques ; inspiré des mouvements sociaux ; impliqué les législations sociales de tous les pays. Elles ont constitué les fondements d’Etat de grands pays comme la Chine ou la Russie. Dans le même temps, les idéologies marxistes ont irrité tant de gouvernants, suscité les dénonciations, mobilisé les soldats, conduit à des répressions. Les oppositions furent au c½ur de graves conflits et d’une très grave confrontation entre les deux blocs de l’Est et de l’Ouest de la planète.

Dans une première partie, l’auteur a évoqué les contrastes d’une vie paisible de cet intellectuel, qui rejette les explications de l’esprit, en faveur d’une démarche scientifique pour donner une base scientifique à l’organisation sociale et au mouvement politique.

Dans cette seconde partie, nous développerons les concepts marxistes, que nous confronterons à la mondialisation qui se déroule sous nos yeux.

La religion

Marx rejette l’idée de religion qui constitue un «opium du peuple». Elle est un idéalisme de l’esprit projeté en un Dieu, utilisé par les hommes comme moyen de légitimer le pouvoir d’une classe dominante. Il rejette cette implication idéaliste qui n’est qu’une vue de «l’esprit» et privilégie le caractère primordial de la «nature». Les choses s’expliquent «dialectiquement» et non pas «métaphysiquement».

Le matérialisme

Karl Marx a souhaité élaborer les faits qui détermineraient les bases d’une théorie de l’organisation sociale et de l’évolution de la société. Il affirme la faveur d’une dialectique matérialiste, dont la logique fait dépendre l’organisation d’une société de ses conditions économiques de production, avec ses modes de vies, ses valeurs humaines, ses rapports sociaux, son ordre politique.

Il estime que les transformations de la production économique peuvent être observées de manière rigoureusement scientifique et guider vers les bouleversements nécessaires. C’est le «matérialisme historique» qui permettrait d’étudier les conditions de transformation sociale et d’appeler à la nécessité de leurs modifications. Il voudrait décrire le système, en définir les résultats qui donneraient une base scientifique au mouvement politique qui mènerait au «communisme» ou à l’égalité des hommes qui est selon lui une aspiration légitime, un destin nécessaire pour l’humanité. Nous parviendrions à établir cette société avec l’appui scientifique d’une étude de l’histoire et de l’économie politique.

L’exploitation est consécutive à la relation économique. Dans le système économique de son époque, les capitalistes disposent de moyens de production et les prolétaires mettent à disposition leur force de travail pour satisfaire leurs besoins vitaux. Les uns spéculent sur le salaire des ouvriers pour maximiser leurs profits. Les autres ont des salaires de «prolétaires»,  comprimés aux besoins de subsistance minimum La plus value réalisée n’est pas partagée équitablement. Une classe minoritaire s’enrichit tandis qu’une classe majoritaire est maintenue dans la précarité.

Aliénation

Il introduit le concept clef d’aliénation économique et de système aliénant auquel n’échappe ni le prolétaire, ni le capitaliste. «Prolétaires» et «capitalistes» sont aliénés par un système aliénant. L’un est poussé par l’obligation de donner sa force de travail, pour un salaire de prolétaire. L’autre est poussé par l’obligation de vendre son produit qui est essentielle pour maintenir son activité. L’ouvrier dépossédé du produit de son travail ne contrôle pas le processus de production, aux dépens de son épanouissement. Le capitaliste tient un rôle de rationalisation et de distribution. Il perd son contact avec le travail de production et est dominé par la vente du produit. L’un et l’autre sont aliénés et dominés, par le travail et par la vente du produit. L’aliénation économique est source d’aliénations sociale, politique, religieuse et philosophique.

L’enrichissement provenant de spéculation ne saurait maintenir sa croissance. Tandis que le défaut de performance sanctionnerait immédiatement le système économique et, en premier lieu, le prolétariat. La concentration du capital est conséquente avec la logique d’évolution du système capitaliste, conduisant à une diminution des capitalistes et à une paupérisation généralisée, en commençant pas les salariés.



La lutte des classes

Cette conception de la production contient des contradictions intenables. Les classes capitalistes et prolétaires sont antagonistes alors que le système de production devrait être uni et harmonieux. Pour Marx «le capitalisme conduit à la mort».

Une minorité «minorisante» ne saurait dominer une majorité «majorisante». Le système est donc sordide. Marx appelle les salariés à prendre conscience de leur état de classe opprimée et de leur intérêt à lutter contre ce système. Il préconise à la classe prolétarienne d’utiliser sa domination de classe pour détruire le mode de production bourgeois, en y substituant l’appropriation collective des moyens de production. Il imagine que l’appropriation collective des moyens de production détruira l’aliénation économique, laquelle, à son tour mettra fin aux autres aliénations, qui feront disparaître les classes sociales.

Infrastructure superstructure

Marx a combattu les systèmes de son époque par la recherche pratique d’une unité entre la «pensée critique» et «l’action». Il est persuadé que les intérêts d’une société peuvent être portés par la science critique. Il considère que l’Etat n’est pas neutre mais une façade de l’absolutisme et un instrument de la bourgeoisie dominante. Il entend qu’une dictature du prolétariat aboutirait au dépérissement de l’Etat, du droit et qui mettrait fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, pour constituer le communisme, en tant qu’association de personnes libres «où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous».

Philosophie d’Etat

La pensée de Marx est d’un grand intérêt car elle porte une philosophie de l’Etat, de son idéologie et du devenir d’une communauté. Mais cette pensée ne se défait pas non plus de l’idéalisme et de l’héritage religieux que Marx contestait. Il établit le «communisme» en tant qu’aspiration légitime de société égalitaire et de destin nécessaire

pour l’humanité. Ainsi, il reproduit l’idéalisme d’un paradis qui ne serait pas «céleste» mais «terrestre», auquel nous aboutirions non pas par utopie, mais par méthodologie scientifique.

Ce questionnement est d’une intéressante actualité. Les difficultés et les échecs constatés dans les pays à idéologie communiste ont mené à une désillusion des hommes sur leurs aptitudes à construire un «paradis terrestre». Les nostalgiques d’un «paradis perdu» ne perdent pas espoir de le retrouver «au de-là des Cieux». Le retour en force du spirituel et des revendications d’un pouvoir religieux réconfortent probablement ce psychisme humain dans son espoir de «paradis céleste». Ce thème demeure cohérent avec les réflexions de Karl Marx que «la religion est le soupir de la créature opprimée, le sentiment d’un monde sans c½ur, l’âme d’une société sans âme. Elle est l’opium du peuple». L’échec de ces idéologies amène certains joyeux communistes à compléter leur boutade religieuse en déclarant «avoir revu Karl Marx ressuscit… il demandait  pardon» !


Kerim Maamer

     
 

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